I. LA SENSATION DES COULEURS (6)

Publié le par Philtomb

11. Emerald.


  Lorsque Emerald franchit le seuil de sa classe, elle constata que la salle avait été réagencée pour accueillir plus aisément la trentaine d'élèves de l'année. Seule la tapisserie d'un vert anglais, décorée sobrement, subsistait.

 Désormais, cette salle, à première vue, allait être polyvalente : les réserves d'encres vertes et les livres anonymes pour les cours littéraires, les produits liquides aux couleurs saumâtres ainsi que les légumes et fruits crus pour les sciences, et, enfin, les diverses cartes géographiques, économiques et historiques de la zone forestière pour les autres matières.

  L'estrade avait été rehaussée et le tableau muni de feutres verts foncés neufs. Pour l'instant, les fenêtres demeuraient ouvertes en permanence, en raison de la chaleur excessive et afin d'évacuer les dernières odeurs des travaux de réfection achevés. Décidément, pensa Emerald, ils allaient tous apprécier, pour une fois, que ce soit à leur tour d'effectuer une partie des cours en plein air, et peut-être même dans les bois environnants.

  Emerald Green avait dix-sept ans, un caractère vif doublé d'une intelligence naturelle, mais aussi l'habitude tenace de rêvasser en classe, ce qui en faisait une élève moyenne dans la plupart des matières. Toutefois, ses rêves faisaient d'elle un être plus complexe que le commun de ses camarades, souvent moins observateurs, mais qui savaient respecter le caractère unique d'Emerald.

  Cette fois-ci, bizarrement, elle songea à deux choses : les arbres et le mur de sa zone. Et ces deux choses s'imprimèrent dans sa mémoire pour y mûrir.




12. Télévision jaune.


  Les doigts remirent aussi habilement qu'ils l'avaient enlevé le morceau de moquette jaunâtre : les livres de Lemon étaient de nouveau à l'abri.

  Celui-ci s'efforça de réciter les mots à haute voix :

- Jaune. Noir ... Rouge et Blau ... non, non ... : Bleu, oui, voilà ...

  Non, personne de sa zone ne savait, ne pouvait savoir, ce que les deux derniers mots signifiaient.

  Longtemps, il resta à regarder les épis d'or, par la fenêtre qui donnait sur le panorama horizontal des champs céréaliers écrasés sous une poussière soufrée. Où pouvaient se trouver le Bleu et le Rouge dans ce qu'il voyait ?

  Après tout, l'explication était simple : soit il n'y en avait pas, comme dans les dictionnaires qu'il avait pu lire, parce que ces mots étaient obsolètes aujourd'hui, soit il s'agissait d'un oubli mineur. Mais Lemon n'était absolument sûr ni de la première ni de la seconde explication. Il resta encore à réfléchir, puis, au bout de vingt minutes, appuya sur le bouton de la téléperception. L'image sembla brouillée pendant une seconde puis devint claire sur l'écran plat.

 L'unique chaîne passait un vieux film en noir et jaune de 1990.

 Il préféra éteindre ...





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